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La semaine dernière, je présidais une rencontre internationale à Bruxelles. Ce comité scientifique, formé d’une vingtaine d’experts, a comme mandat de produire une analyse sur le thème des forêts dans la perspective de l’économie verte pour le développement durable et l’éradication de la pauvreté.
Ce travail dirigé par la Chaire en Éco-Conseil sera présenté par la Francophonie lors du Sommet Rio +20 qui se tiendra au Brésil en juin 2012. La réunion de deux jours a été intense et productive. Permettez-moi de vous proposer quelques réflexions qui en résultent.
D’entrée de jeu, le comité s’est intéressé à la définition de la forêt. La question n’est pas anodine. Si on y réfléchit bien, la forêt est une surface couverte d’arbres, mais qu’est-ce qu’un arbre et combien en faut-il pour faire une forêt?
Doit-on les distinguer par la hauteur? Les épinettes âgées de plusieurs siècles mais hautes de trois mètres qu’on trouve à Inuvik forment-elles une forêt? Les Acacias du Sahel qui sont des légumineuses tout comme les fèves de votre jardin peuvent-ils se qualifier alors qu’on en trouve tout au plus une centaine dans un hectare? Une définition de la forêt varie selon les climats et les usages. Par exemple, les arganiers, des arbres indigènes du Maroc, peuvent constituer des forêts, même si ces dernières ne sont pas très denses. Plutôt que par sa hauteur ou sa densité, nous avons donc convenu de définir la forêt par ses fonctions écologiques.
Celles-ci sont multiples et une forêt n’est une forêt que si ses fonctions peuvent être maintenues ou restaurées. Même si on y trouve des arbres, les lignicultures ne se qualifient pas comme forêts car le fait de ne privilégier qu’un des services rend l’écosystème incapable de maintenir ses fonctions par lui-même. Mais quelles sont donc ces fonctions et quel est leur lien avec l’économie?
Depuis toujours, les peuples autochtones ont trouvé en forêt des façons de répondre à leurs besoins par la chasse, la cueillette de fruits et noix, mais aussi de plantes médicinales.
Ces activités ont forgé la culture, les traditions et la spiritualité de nombreux peuples et enrichi l’humanité d’une diversité de langues qui sont aujourd’hui en péril. Ces bénéfices intangibles ne sont pas reconnus par l’économie traditionnelle.
Des activités comme l’écotourisme peuvent amener des retombées économiques pour les peuples qui maintiennent ces traditions.
C’est un des axes de l’économie verte. En effet, l’économie verte vise à l’amélioration du bien être humain et de l’équité sociale tout en réduisant de manière significative les risques environnementaux et la pénurie de ressources. C’est, selon les Nations Unies l’outil par lequel nous parviendrons au développement durable.
Fonctions
Les fonctions écosystémiques de la forêt génèrent aussi d’autres bénéfices. Par exemple, la régulation de l’eau permet de fournir aux agriculteurs qui sont en aval des massifs forestiers des sources d’eau potable ou d’eau d’irrigation, mais aussi pour les villes et les industries elles fournissent de l’eau, des poissons et de l’hydroélectricité. Les forêts de palétuviers ou mangroves offrent aussi une protection contre les désastres naturels affectant le milieu côtier.
Ces services écosystémiques comprennent également la séquestration du carbone et le maintien de la biodiversité. En soi, l’économie traditionnelle ne sait pas reconnaitre ces services, mais les impacts économiques sont énormes lorsqu’on les a perdus ou qu’on doit les restaurer.
L’économie verte tente de développer des moyens comme le paiement pour les services écosystémiques ou encore des mécanismes pour reconnaitre la valeur économique de ne pas couper ou dégrader les forêts. Ces outils sont destinés aux gens qui vivent près des forêts tropicales en particulier pour sortir de la pauvreté sans dégrader ces dernières.
Le bois, le papier et les produits non ligneux sont depuis toujours extraits de la forêt et mis en valeur sur le marché sous des formes diverses. Cependant, comme nous le savons trop bien ici, l’exploitation forestière n’est pas l’activité qui laisse le plus de retombées économiques là où elle se pratique. Les nombreux intermédiaires, les fluctuations de la demande, les aléas de la concurrence internationale, les mauvaises décisions politiques se font le plus souvent au détriment des communautés forestières. Si on en croit les Nations Unies, l’économie verte pourrait réduire les aléas de l’économie classique qu’on appelle maintenant brune.
Et cette nouvelle économie serait la clé pour le développement durable.
La forêt a une valeur en soi, comme écosystème, mais il faut lui donner une reconnaissance économique pour ses services si l’on veut éviter qu’elle soit sacrifiée dans une vision à court terme. C’est un défi important pour les prochaines décennies wt on en parlera Rio +20.
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http://synapse.uqac.ca/2011/foret-et-economie-verte/