«par Mohamed Ansar Algérie
Le mythe du barrage vert algérien a vécu
(SYFIA-Algérie) Le barrage vert contre le désert, l'un des plus ambitieux projet agro-écologique de l'Algérie des années 70, a aujourd'hui triste mine.
Un chapelet de pins d'Alep chétifs, dépassant à peine deux mètres de haut, proie impuissante des redoutables chenilles processionnaires (voir encadré) qui s'en délectent impitoyablement. Voilà le spectacle qu'offre aujourd'hui le barrage vert, l'un des plus ambitieux projet lancé par l'Algérie au début des années 70 dans l'euphorie de l'après indépendance et des pétrodollars. Cette "muraille verte" devait stopper l'avancée du désert vers le nord en créant une véritable barrière de verdure, qui protègerait la steppe depuis la frontière marocaine jusqu'à celle de la Tunisie. Au total, 3 millions d'hectares devaient être boisés. 160 000 hectares seulement l'ont été. 160 000 hectares qui prennent le plus souvent l'aspect de vastes champs décharnés aux couleurs plus grisâtres que verdoyantes.
L'armée à l'oeuvre
Ce projet pharaonique restera comme une vaste entreprise politique. Lancé à grand renfort de publicité et avec des moyens financiers et humains démesurés, mais sans réelles études sérieuses, il est d'abord confié - à tout seigneur tout honneur - à l'armée, qui mobilise dessus les jeunes du contingent du service national. En 1990, l'armée passe le relais au ministère de l'Agriculture qui prend en main la poursuite des reboisements et l'entretien. Plusieurs projets pour maintenir et valoriser les superficies déja reboisées sont proposés par les gouvernements qui se succèdent depuis 1990, comme l'incitation des jeunes à s'organiser en coopératives avec l'appui de l'Etat. Mais aucune décision n'est vraiment appliquée. Aujourd'hui, on parle de confier la reprise des travaux aux grandes entreprises publiques. Pour la population locale, le barrage vert n'a jamais représenté grand chose. Conçu et réalisé sans elle et parfois contre elle, réduisant les espaces de parcours du bétail, il demeure un corps étranger. Mêmes lorsqu'elle ne s'y oppose pas, elle y reste indifférente. Certes, l'administration des forêts s'est renforcée dans la région, permettant la création de quelques emplois et le recrutement de quelques rares saisonniers au début de l'été pour traquer la chenille ; trop peu, en tous cas, pour une population de quelque 5 millions d'habitants dont la principale ressource, l'élevage ovin, ne parvient à endiguer ni le chômage, ni l'exode vers les grandes villes du Nord.
Echec écologique
Les pâturages de la steppe continuent à se dégrader et à se désertifier sous l'effet conjugué de l'aridification du climat et du surpâturage. Aucun des effets positifs prévus du barrage vert n'a pu être atteint : amélioration de la qualité des sols, création d'un microclimat favorable à une régénération végétale, lutte contre l'ensablement et la désertification, production de bois pour l'industrie de transformation. Ce cuisant échec agro-écologique reste sans effet bénéfique sur la vie de la région. Tout au plus, le barrage procure-t-il un peu d'ombre aux troupeaux de moutons et à leurs bergers. Le menu bois mort qu'il offre est avidement recherché par la population comme substitut au gaz, dont le prix a explosé ces dernières années. L'usine de panneaux de particules installée à Djelfa, la principale ville de la région, s'approvisionne à grand frais en bois importé et le réexpédie, une fois transformé, vers le nord du pays.Dans le cadre de ses travaux de recherche, une écologiste, Mlle Salima, s'est intéressée à la végétation de la steppe et au barrage vert. "La reconstitution d'un écosystème détruit est une tâche très délicate qui demande des études scientifiques fines et rigoureuses, explique-t-elle. Elle ne peut être conduite que sur des étendues limitées, avec beaucoup de précautions et un suivi continu. Ceci est d'autant plus vrai que l'écosystème en question a disparu depuis des siècles." Pour avoir ignoré cela, le barrage vert apparaît aujourd'hui comme un vaste gâchis qui a englouti d'énormes budgets et l'énergie de milliers de jeunes. La prolifération des chenilles apparaît comme un véritable désastre écologique. D'autres mauvaises surprises ne sont pas »
Aucune information sur les travaux de recherche concernant le Barrage vert de l'«écologiste Mlle Salima» .
À l'origine (1968) l'unité de panneaux de particules de Djelfa devait utiliser une matière première locale (1). Cette usine n'a fonctionné que quelques années avant sa mise à l'arrêt définitive pour des raisons jamais exposées.
L'usine de panneaux de particules de Telagh a également cessé de fonctionner sans aucune explication.
(1) S. Grim - Propositions pour la réorganisation administrative de la circonscription des forêts et de la défense et restauration des sols de Djelfa. Eaux et forêts, 1968, 63 p.