Je commencerai par vous souhaiter une bonne année 2015, chère Mademoiselle Azzi.
Une information encore très incomplète sur le Protocole de Nagoya me laisse croire que cet ambitieux projet auquel votre administration est associée comporte de nombreux aspects dont celui se rapportant à l'évaluation du stock de biodiversité que renferme l'Algérie. Jusqu'ici ma réflexion et mon travail n'ont concerné que le capital végétal - plus précisément ligneux et spontané.
Dès la fin des années 1960, j'eus à créer une Station d'amélioration des arbres forestiers à l'intérieur du Centre algérien de recherches et d'expérimentations forestières d'alors dont l'objectif visait l'identification, la localisation et la description d'écotypes d'espèces forestières dans le souci de leur conservation in situ ou dans ce qui était appelé alors vergers à graines de conservation. Ces travaux qui s'échelonnèrent de 1968 à 1973 ont concerné principalement le Pin d'Alep et accessoirement le Cèdre, le Sapin de Numidie, le Pin laricio de Maurétanie, le Genevrier thurifère, le Cyprès de Duprez, la variété subintegerrima du Peuplier blanc, le Merisier...
Ces prospections ont donné lieu à des dizaines de fiches descriptives déposées à l'ancienne station d'amélioration des arbres forestiers héritière de la station d'hydrobiologie et pisciculture - du docteur Arrignon - à Alger, au Bois de Boulogne (Petit Atlas aujourd'hui).
L'accent avait été effectivement mis sur Pinus halepensis, l'espèce paraissant receler un avenir économique intéressant au point que dans ces années-là deux usines de panneaux de particules de dimensions relativement modestes à leur début (30 000 mètres cubes chacune) furent proposées, édifiées puis malheureusement abandonnées après quelques années de fonctionnement. Le Barrage vert originel (1968-1973) devait constituer l'occasion d'accroître les investigations sur les provenances de l'espèce avec la proposition d'édifier un grand établissement de recherches dans la région de Djelfa: la génétique forestière constituait un centre d'intérêt prioritaire avec la climatologie dans la démarche soumise à l'approbation des autorités.
Le périmètre de Moudjebara, le premier projet de reboisement dans les Hautes plaines et l'Atlas saharien - qui portera à partir de 1972 la dénomination de Barrage vert - devait être complanté à partir de semis issus de graines provenant des peuplements les plus méridionaux des Monts des Ouled Naïl - versant sud des forêts des Senalba Chergui, Senalba Gharbi et forêt des Djelal .
À compter de 1974 et suite à des circonstances qu'il n'est pas utile d'évoquer ici, le projet Barrage vert perdit son unité de conception et laissé à l'initiative des responsables forestiers locaux en charge de la supervision des travaux dont la réalisation relevait du Haut commissariat au Service national du ministère de la Défense. Et lorsqu'à partir de 1990 les reboisements des zones semi-arides d'Algérie relevèrent à nouveau du service forestier, la question de la provenance des graines ne reçut pas un surcroît d'attention. La littérature forestière d'Algérie fait parfois état de recherches sur les provenances d'espèces forestières mais ces préoccupations en fait ne sont que le produit de conjonctures: généralement des investigations limitées dans le temps et engagées dans le cadre de l'élaboration de mémoires académiques. De plus ces travaux n'ont jamais eu pour finalité une application dans l'activité de gestion ordinaire.
Si ces considérations sont effectivement vérifiées, il conviendrait de reprendre cette question de la biodiversité forestière au point où elle a été laissée au début des années 1970 pour certains de ses aspects et au début des années 1950 pour d'autres; par exemple pour ce qui est de la nomenclature des espèces végétales. Et en la matière, les impressionnants travaux de René Maire me paraissent incontournables; nous y reviendrons à une prochaine occasion si vous le voulez bien à propos de la question de la variabilité du Chêne-liège.
Les personnes qui ont en Algérie la responsabilité de la biologie végétale professent depuis les années 1970 que la botanique systématique est une discipline du passé. Je continue à penser que cette assertion est erronée.
Grim
Nota
Comme votre message du 14 janvier 2015, ce texte sera mis en ligne sur mon site www.foretnumide.com
Reférence
www.foretnumide.com du 17 janvier 2015: Un message de Assia Azzi informant de la participation de l'Algérie à la mise en oeuvre du Protocole de Nagoya.