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LUTTE CONTRE LA DESERTIFICATION EN ALGERIE
EXPERIENCE DU BARRAGE VERT
Ministère de l'hydraulique, de l'environnement et des forêts
République algérienne démocratique et populaire
INTRODUCTION
En plus des vastes étendues sahariennes caractérisées par les conditions naturelles
des milieux désertiques, la désertification affecte principalement le territoire
steppique qui couvre une superficie de 20 millions d'hectares, soit 65% de l'Algérie
du nord. Près de 3 millions d'habitants vivent dans cette région. Cette dernière
est située à proximité de l'un des plus grands déserts chauds du monde.
L'influence du Sahara se traduit au niveau de la steppe par un climat sec
et chaud à amplitudes thermiques élevées. De type méditerranéen, le climat est
caractérisé par la faiblesse des précipitations qui tombent sous forme d'averses
en automne et au printemps sur une période n'excédant généralement pas 70 jours
par année. La steppe est globalement située entre les isohyètes de 400mm au
nord et 100mm au sud. L'amplitude thermique saisonnière est très grande; elle
dépasse 32°C. La moyenne des minima du mois le plus froid varie entre - 1,8°C
et 1,9°C. La moyenne des maxima du mois le plus chaud oscille entre 33,1 °C et
41,7°C. Le minimum absolu atteint - 12°C et le maximum absolu peut dépasser
+ 45°C.
Il s'agit donc d'un climat caractérisé par une forte continentalité due
d'une part à l'influence désertique au sud et d'autre part à l'existence de barrières
naturelles au nord (Atlas tellien) qui constituent des obstacles à l'influence
maritime.
Par ailleurs, la steppe est exposée au vent, particulièrement le sirocco,
vent chaud et sec provenant du Sahara et soufflant vers le nord; ce vent,
particulièrement desséchant souffle en moyenne de 20 à 30 jours par an, surtout
en période estivale.
Sur le plan de la végétation, on distingue deux grands types:
- la végétation forestière localisée essentiellement sur les versants de l'atlas
saharien. Les formations forestières sont fortement dégradées et couvrent environ
1.400.000 ha, ce qui correspond à un taux de boisement pour la steppe de 7%.
Il faut souligner que, compte tenu du déficit fourrager que connaît la région,
ces formations subissent une forte pression pastorale.
Ce taux de boisement est de surcroît très insuffisant eu égard au déséquilibre
écologique que connaît la steppe.
Les formations forestières rencontrées sont celles de Pin d'Alep (Pinus halepens*s),
de Genévrier de Phénicie (Juniperus phoenicea) et de Chêne vert (Quercus ilex).
- la végétation steppique: les principales formations rencontrées sont:
. la steppe graminéenne à base d'alfa (Stipa tenacíssima) qui présente un grand
intérêt pour la production cellulosique,
.la steppe à armoise blanche (Artemisia herba alba) qui constitue un excellent
parcours pour le cheptel ovin,
.la steppe à halophytes qui occupe les terrains salés, à proximité des chotts.
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Sur le plan pédologique, la zone semi-aride et aride correspond à une mosaïque
compliquée où se mêlent sols anciens, sols récents, sols dégradés et sols évolués.
Les conditions locales (roche-mère en place, topographie) introduisent de nombreuses
variantes.
Cependant, les sols de la région présentent dans leur majorité les caractéristiques
dominantes suivantes:
- présence d'accumulations calcaires réduisant la profondeur de sol utile,
- pauvreté en éléments nutritifs et en matière organique,
- sensibilité à la dégradation et par voie de conséquence à l'érosion.
C'est dans cette steppe où les ressources sont particulièrement limitées que vit
un cheptel ovin estimé à 12 millions de têtes, répartis sur 15 millions d'hectares
de parcours très dégradés.
La désertification à laquelle nous assistons dans cette région provient
de l'inadéquation entre les ressources naturelles disponibles et les besoins de
l'activité pastorale qui constitue, pour la population locale, la principale source
de revenu.
1. IMPORTANCE DU PHENOMENE DE DESERTIFICATION
La dégradation de la steppe s'est accélérée durant les dernières décennies se
traduisant par une réduction du couvert forestier, des nappes alfatières et un
appauvrissement des terres de parcours. A cela s'ajoute une aggravation du déficit
hydrique rendant les processus de remontée biologique difficiles ou nécessitant
des investissements importants.
La dégradation des écosystèmes steppiques fait évidemment planer une
menace grave sur l'avenir de cette région importante du pays. En effet, l'intérêt
économique de l'élevage ovin et sa dépendance quasi totale des parcours naturels,
exploités au-delà des limites de leurs potentialités sans aucune restitution ni action
d'amélioration, fait de ces derniers le support du processus de désertification.
1.1 Causes de la désertification
Dans notre pays, la désertification est due à trois causes principales:
1.1.1 Causes anthropiques
- Le surpâturage: il correspond à une surcharge des parcours se traduisant par
un prélèvement annuel par le cheptel d'une quantité d'unités fourragères
supérieure à la production des parcours. On assiste à une véritable exploitation
minière des ressources végétales de la steppe. Cela a pour origine l'absence
d'une organisation pastorale appropriée et nécessaire à une utilisation optimale
des parcours. A cela s'ajoute, d'une part, le comportement spéculatif des éleveurs
qui ne se soucient pas de la régénération de ce potentiel et, d'autre part, le
déficit fourrager que connaît la steppe. Cette surexploitation est aggravée
par l'accroissement incontrôlé du cheptel particulièrement pendant les années
favorables.
- Le défrichement: il a pour origine l'extension de la céréaliculture qui constitue
l'activité la plus importante- après l'élevage. La superficie cultivée est estimée
à 1.100.000 ha.
Il s'agit là d'un phénomène relativement récent qui s'est développé dans la steppe
sur des sols impropres à l'agriculture et très sensibles à l'érosion.
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Ce phénomène a pour cause la croissance démographique et le déficit fourrager
croissant. Le défrichement a été amplifié par le développement de la
mécanisation, d'ailleurs inadaptée aux conditions écologiques de la steppe.
Cette céréaliculture dont les rendements sont insignifiants vise surtout un apport
fourrager pour le troupeau.
Il faut souligner que cette céréaliculture se fait de façon anarchique ne tenant
compte ni du couvert végétal existant, ni des conditions de sols et de climat.
Il s'agit d'une agriculture épisodique et itinérante.
D'ailleurs, après leur abandon, ces parcelles défrichées sont exposées à une
érosion éolienne intense qui les appauvrit. Les éléments emportés par le vent
se déposent plus loin, piégés par la végétation existante en formant des microdunes
qui s'accumulent dans les terres de parcours.
- L'éradication des espèces ligneuses: l'état actuel de la dégradation des
peuplements forestiers montre que la végétation ligneuse a été surexploitée.
Les besoins en combustible pour la cuisson et le chauffage amènent les habitants
des zones arides et semi-arides à prélever des branches, à déraciner des espèces
ligneuses, même parfois celles de petite taille (armoise). Les touffes d'alfa
sont encore brûlées par les pasteurs pour se protéger du froid. Néanmoins, la
densification du réseau de distribution de gaz a limité de façon très significative
ce phénomène.
1.1.2 Causes naturelles
La réduction du couvert végétal due essentiellement à la pression humaine, est
aggravée par l'apparition de phénomènes de sécheresse persistants, exacerbant
ces processus de dégradation, jusqu'à les rendre irréversibles.
1.1.3 Causes dues aux activités socio-économiques
Cette zone dont les ressources sont limitées, et dont l'activité essentielle a de
tout temps été orientée vers le pastoralisme, est soumise à une surexploitation
des ressources naturelles aggravée par un accroissement démographique élevé.
Elle subit de ce fait une pression importante.
1.2 Conséquences de la désertification
1.2.1 Au plan socio-économique
Si le processus de désertification se poursuivait au rythme actuel, on risque
d'assister dans les prochaines années à une crise grave du pastoralisme qui constitue
l'activité dominante de la steppe; cela aura sans aucun doute des répercussions
sur la production et amplifiera inévitablement l'exode rural vers les centres urbains.
Compte tenu de la faiblesse des autres sources de revenus, cet exode se ferait
en grande partie vers le nord du pays.
La désertification a des conséquences également sur les infrastructures.
En effet, les phénomènes d'ensablement qui en découlent commencent déjà à
menacer les voies de communication et les agglomérations.
Les accumulations de sable au voisinage des habitations, des routes et
des voies ferrées, constituent l'illustration la plus concrète et la plus frappante
du processus de désertification.
Les constructions anarchiques ont dans bien des cas servi de pièges à sables
car elles n'ont pas tenu compte de la direction des vents transporteurs de sables.
Cet ensablement touche également les terres agricoles et les parcours.
Les infrastructures routières et ferroviaires sont également menacées.
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1.2.2 Au plan écologique
L'accélération du processus de désertification constatée durant les dernières
décennies menace gravement l'équilibre fragile de cette portion du territoire
national.
On assiste à :
- une réduction globale du couvert végétal,
- la prolifération dans les terres de parcours d'espèces végétales peu palatables,
au détriment des espèces fourragères,
- la dégradation due au tassement des sols provoqué par le troupeau, et ayant
pour conséquence la réduction de l'infiltration des eaux de pluie,
- la stérilisation des sols par salinisation,
- la baisse de fertilité notamment par diminution du taux de matière organique
et la perte d'éléments fertilisants.
Outre la destruction du potentiel productif de la steppe, on s'achemine
progressivement vers une rupture de l'équilibre écologique précaire aggravée par
la sécheresse persistante.
2. MESURES PRISES POUR LUTTER CONTRE LA DESERTIFICATION
Face à l'importance croissante du processus de désertification, l'Algérie a lancé
en 1970, une vaste opération destinée à enrayer ce fléau; il s'agit du projet "Barrage
vert". Ce programme vise à enrayer le phénomène au niveau de la frange steppique
comprise entre les isohyètes de 300mm au nord et 200mm au sud.
Il s'agissait au départ d'établir un vaste rideau forestier dressé face à
l'avancée du désert, de la frontière marocaine à la frontière tunisienne sur 1500km
de long et 20km de large (3 millions d'hectares).
Une évaluation de cette expérience après 15 années de réalisation nous
a permis de tirer des conclusions qui sont à la base de la stratégie actuelle définie
à moyen et long terme.
2.1 Approche
Durant la première décennie, les interventions ont été orientées essentiellement
vers le reboisement à base de Pin d'Alep (Pinus halepensis).
En l'absence d'études globales, les réalisations étaient faites uniquement
sur la base de projets d'exécution.
A l'issue de cette période, un bilan de l'expérience a permis d'identifier
les faiblesses du projet. Sur cette base, l'approche du Barrage vert a évolué depuis
1981 vers une idée plus large d'aménagement intégré, compte tenu des réalités
écologiques et socio-économiques de ±a zone.
2.2 Conception des programmes
En raison des difficultés écologiques auxquelles nous étions confrontés, il était
devenu nécessaire de disposer de zones-test permettant:
- de définir des modèles d'aménagement intégré adaptés aux différentes situations
rencontrées;
- de disposer d'informations nécessaires à la planification des interventions;
- d'apporter les correctifs nécessaires aux réalisations en cours.
C'est ainsi donc que les études ont été réalisées sur 4 zones pilotes couvrant une
superficie globale de 400.000 ha. Chacune de ces études a abouti à l'élaboration
d'un schéma directeur d'aménagement agro-sylvo-pastoral, ainsi qu'à des projetstypes
d'exécution pour les principales actions identifiées.
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Les Wilayate couvertes sont celles d'El-Bayadh, de M'Stla, de Batna et
de Khenchela.
Afin de disposer d'une base d'études suffisante pour tout le "Barrage vert",
3 nouvelles zones font l'objet actuellement d'études sur 300.000 ha au niveau des
Wilayate de Laghouat, Djelfa et Tebessa.
Dans le domaine de la lutte contre l'ensablement, une étude a été initiée
dans le cadre de la coopération avec la CEE, sur le cordon dunaire des Zahrez,
qui couvre une superficie de 400.000 ha.
Ainsi, les programmes initiés depuis 1981 sont mieux adaptés au terrain.
Les actions identifiées concernent principalement:
- le reboisement et la reconstitution des massifs forestiers dégradés;
- les plantations fourragères dans le cadre de l'amélioration des parcours;
- la lutte contre l'ensablement (fixation de dunes, ceintures vertes, ouvrages
de défilement, etc.);
- la mobilisation des ressources en eau souterraines et superficielles;
- la mise en valeur agricole (arboriculture fruitière, améliorations foncières,
brise-vent, etc.);
- l'installation d'un réseau de pistes de désenclavement.
2.3 Les réalisations
Le bilan présenté porte sur toutes les actions entreprises dans le cadre de l'opération
"Barrage vert".
2.3.1 Première décennie (1970-1980)
Durant cette période, les réalisations concernent essentiellement les travaux
de reboisement, ainsi que les actions d'ouverture et d'aménagement de pistes.
Ces réalisations ont enregistré parfois des taux de réussite relativement modestes
dûs aux conditions écologiques locales très sévères et à l'indisponibilité d'études
susceptibles de préconiser les techniques et les espèces adaptées à chaque impact.
Toutes ces plantations ont été réalisées à base de Pin d'Alep, espèce
autochtone supportant assez bien les conditions de milieu locales.
2.3.2 Premier plan quinquennal (1980-1984)
Au cours de ce plan, sur la base d'une approche intégrée, les actions se sont
diversifiées et ont porté essentiellement sur:
- la reconstitution des massifs forestiers dégradés de l'atlas saharien;
- l'amélioration des parcours dégradés;
- la mise en valeur agricole (essentiellement arboriculture);
- la mobilisation des ressources en eau;
- la lutte contre l'érosion hydrique et éolienne;
- la mise en place d'une infrastructure de désenclavement de la steppe (pistes).
En dehors des aspects quantitatifs, il faut souligner que les réalisations de ce
premier plan quinquennal ont été caractérisées par:
- une meilleure localisation des projets;
- une plus grande maîtrise des techniques grâce à l'expérience acquise et aux
études réalisées;
- des taux de réussite des plantations satisfaisants pour la région;
- une diversification des actions.
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Depuis le lancement de l'opération "Barrage vert" à ce jour, les superficies traitées
par différentes actions couvrent une superficie de près de 140.000 ha.
Afin de soutenir le même rythme de réalisation que celui des plans
précédents, il a été décidé de fixer un objectif de 100.000 ha à traiter durant
l'actuel plan quinquennal (1985-1989).
Pour l'atteinte de ces objectifs, 8 pépinières ont été créées dans le cadre
de l'opération Barrage vert. La capacité de production actuelle de ces pépinières
est de 40 millions de plants par an.
En matière de production de plants des dispositions ont été prises en vue
de diversifier les essences de reboisement. Alors que durant la première décennie
l'espèce de reboisement unique était le Pin d'Alep, aujourd'hui d'autres espèces
sont produites et utilisées dans les programmes:
Chêne vert, Cyprès de l'Arizona, Frêne, Acacia, Olivier de Bohême, Casuarina,
Févier d'Amérique, Medicago, Tamarix, Pistachier de l'Atlas, Prosopis, Atriplex,
Peuplier, . ..
Ce programme de diversification vise d'une part à valoriser au mieux les
potentialités écologiques locales et à éviter les inconvénients de la monoculture.
Par ailleurs, compte tenu de l'ampleur du phénomène, il importe d'augmenter
le rythme des réalisations. Dans cet esprit des essais de mécanisation sont entrepris
dans le domaine de la préparation du sol. Ces essais vont être poursuivis et
approfondis en vue d'aboutir à un programme de mécanisation adapté aux conditions
écologiques de la steppe.
3. PERSPECTIVES
L'expérience acquise en matière de lutte contre la désertification constitue un
acquis important, les programmes de réalisation demeurent insuffisants eu égard
à l'ampleur du phénomène.
En outre, il convient de souligner que ces programmes ont été concentrés
pour une première étape dans la frange présaharienne comprise entre les isohyètes
300 et 200 m m , car cette zone est considérée comme prioritaire compte tenu
d'une part de sa sensibilité à la désertification et, d'autre part des possibilités
de remontée biologique qu'elle recèle.
Cependant, le développement du processus de désertification n'est plus
aujourd'hui localisé à une portion de la steppe mais a gagné toute la steppe.
C'est pourquoi, face à l'ampleur du phénomène, il était devenu impérieux
d'élaborer un véritable plan de lutte à moyen et long terme qui concerne toute
la steppe. Ce plan aujourd'hui mis au point pour une période de 15 ans vise les
objectifs suivants:
- l'élargissement de l'expérience Barrage vert à toute la steppe;
- le développement d'une approche multi-sectorielle;
- la mise en place des moyens nécessaires à l'atteinte de ces objectifs.
Sur cette base, le plan de lutte s'inscrit dans le cadre d'une politique de satisfaction
des besoins fondamentaux des populations et de réhabilitation du potentiel productif
de la steppe ainsi que de préservation de cette dernière contre toute forme de
dégradation.
Le plan ainsi défini s'articule autour de 2 axes principaux:
- un programme de prévention destiné à sauvegarder le patrimoine existant;
- un programme de restauration de l'environnement par des actions curatives.
140
3.1 Programme de prevention
L'objectif visé et la préservation du patrimoine végétal existent par les mesures
développées ci-après.
3.1.1 La mise en défens
Il s'agit d'une opération destinée à assurer une protection totale des zones fortement
dégradées pour permettre à la végétation naturelle de se reconstituer.
C'est la technique la plus efficace et la plus facile à généraliser pour
la restauration de l'environnement en zones pastorales et agro-pastorales, tant
que la dégradation du milieu n'a pas atteint un stade irréversible. Pour réussir,
cette mesure requiert l'adhésion des populations et le renforcement des moyens
de surveillance.
3.1.2 La sensibilisation
L'homme étant le facteur causal de la désertification, il importe d'agir dans le
cadre d'une lutte préventive sur le milieu social par un programme de sensibilisation
destiné à faire prendre conscience aux populations des dangers qui menacent leur
région et de la nécessité de préserver les ressources naturelles qui constituent
le support de leurs activités pastorales et agricoles. Le programme de sensibilisation
lancé depuis 1985, sous forme de séminaires locaux associant toutes les parties
concernées sera poursuivi et intensifié.
3.1.3 Les mesures législatives et réglementaires
Parallèlement aux programmes d'investissement et à la mise en place d'instruments
de réalisation, l'Algérie s'est dotée d'un cadre juridique lui permettant d'organiser
l'activité socio-économique et de préserver le milieu naturel.
Les textes juridiques promulgués sont:
- le code pastoral
- la loi sur la protection de l'environnement
- la loi portant régime général des forêts.
Ces trois textes abordent les problèmes de désertification dans leur dimension
technique, sociale, économique et politique.
3.1.4 Etudes, recherches et formation
Etudes: Sur la base des objectifs identifiés et de l'inventaire des études disponibles,
un programme d'études complémentaires sera réalisé. La localisation de telles
études ne sera faite désormais que sur la base de la carte nationale de sensibilité
à la désertification dont l'élaboration est envisagée à partir de 1986.
Par ailleurs, en matière de progression de la désertification, comme en
matière de lutte, la réalité est en constante évolution. Les travaux entrepris à
ce jour ne nous permettent pas d'évaluer dans sa globalité l'importance de la
désertification à l'échelle nationale, ni d'établir des prévisions de son évolution
future. C'est pourquoi, nous projetons, conformément aux recommandations de
la Conférence de Dakar (COMIDES II), la mise au point d'un système de surveillance
continue des écosystèmes. L'objectif de ce projet est d'asseoir un dispositif
141
d'observation permanent au sol, où il sera procédé à la mise au point, à
l'amélioration et à l'harmonisation des instruments de diagnostic. Il s'agit également,
par le biais du dispositif, de procéder à l'élaboration de méthodologies d'évaluation,
d'inventaire et de cartographie de la désertification, afin de procéder à des bilans
périodiques du phénomène. En fait, il s'agira de procéder à l'étude systématique
du milieu naturel, en faisant le diagnostic des phénomènes et des indicateurs de
la désertification, afin de mieux élaborer les stratégies et mieux cerner et évaluer
les différentes méthodes de lutte.
L'importance des phénomènes climatiques pour la compréhension des
processus de dégradation nécessite qu'il soit procédé au renforcement du réseau
météorologique national, afin que l'on puisse disposer de données
agro-météorologiques complètes et régulières.
L'action de surveillance continue se traduit par un inventaire rapide et
répétitif des données du milieu afin de faire des bilans périodiques montrant
l'évolution des écosystèmes. A ce titre, elle doit faire appel à des techniques de
cartographie et d'inventaire, entre autres, la télédétection spatiale.
Finalement la somme de données recueillies de manière systématique,
périodiquement, sur la dication devra aboutir à la créatille doiton d'une banque
de données sur la désertification, et à la mise au point périodique de documents
cartographiques portant sur la sensibilité à la désertification.
La sécheresse étant l'un des facteurs déterminants de la désertification,
il convient de développer les études météorologiques, bioclimatiques et socioéconomiques
pour sa meilleure connaissance.
A partir de très nombreuses données acquises, il est possible de créer
des banques de données facilement accessibles et utilisables. Cela permettrait:
- une meilleure connaissance des formations végétales en vue de leur utilisation
rationnelle;
- une affectation rationnelle des sols aux diverses activités grâce à une bonne
connaissance des écosystèmes naturels et socio-écologiques;
- l'établissement de cartes de dégradation ou de risques de dégradation des sols
et des cartes de la désertification, outils indispensables au suivi du phénomène,
à la mise au point de stratégies et à la planification des interventions.
La désertification ne doit pas être vue comme un phénomène isolé mais comme
un problème étroitement lié aux actions de développement. A cet égard, toutes
les études menées pour la vaincre doivent aboutir à l'élaboration, aux niveaux
national et local, à des plans d'aménagement du territoire devant servir de cadre
à la politique de développement.
Recherche; La sécheresse et la désertification ont entraîné, dans les pays touchés,
des conditions nouvelles qu'il convient de connaître. C'est dire que la lutte contre
la désertification suppose une recherche intégrée, fondamentale et appliquée.
L'Algérie accorde à cet aspect une place importante dans le cadre du
plan national de recherche adopté pour la période 1985-89, sur la base des
orientations suivantes:
- recenser les recherches déjà effectuées et diffuser les résultats obtenus;
- mettre en place en tant que de besoin et renforcer les structures chargées de
l'élaboration, de l'exécution et de la coordination des programmes de recherches
aux différents niveaux, les structures spécialisées dans la recherche et
l'expérimentation appliquée aux régions arides;
- développer des programmes de recherches intégrés et multidisciplinaires sur
tous les aspects de lutte contre la désertification, notamment:
142
* le choix des essences de reboisement locales et exotiques,
* le pastoralisme,
* l'agro-foresterie,
* la conservation des eaux et des sols,
* l'amélioration de la fertilité des sols et la lutte contre la salinisation,
* la fixation des dunes continentales,
* les énergies nouvelles (solaire et éolienne);
- appuyer la recherche forestière et pastorale par la création et/ou le renforcement
de centres chargés de la collecte du conditionnement, du stockage, de la gestion
et de la distribution des semences;
- valoriser les résultats de la recherche par une application sur le terrain, dans
le cadre des projets pilotes intégrés associant les populations locales.
Formation: Une place importante est accordée à la formation des hommes destinés
à prendre en charge les programmes. Il est envisagé au niveau des établissements
existants d'accorder une priorité tant au niveau des programmes que des filières
à la désertification.
Par ailleurs, une réflexion va être menée dans le cadre universitaire afin
de spécialiser des établissements dans ce domaine.
En outre, une action est engagée pour l'introduction dans les programmes
d'établissements scolaires (Ecole fondamentale, C E M , Lycées), du pays une initiation
et une sensibilisation aux problèmes de la désertification. Il s'agit d'un
investissement important en direction des jeunes.
Concernant les techniciens et agents de terrain, des stages de
perfectionnement et de recyclage sont organisés à leur intention. Il est également
prévu de multiplier les journées d'études sur des cas concrets afin de favoriser
les échanges entre techniciens.
3.2 Programme de restauration
Dans le cadre de la politique nationale de développement, la lutte contre la
désertification a pour objectifs fondamentaux;
- de contribuer à assurer la sécurité alimentaire;
- de contribuer à satisfaire les besoins énergétiques des populations;
- de protéger, restaurer et améliorer les ressources naturelles et l'environnement.
Il s'agit également de transformer les systèmes de production en milieu rural en:
- intégrant les méthodes et pratiques de lutte contre la désertification dans les
systèmes de production agricoles et pastoraux;
- développant les productions fourragères et forestières;
- organisant une gestion rationnelle des parcours;
- développant une politique de mobilisation et de gestion des eaux superficielles
et souterraines.
3.2.1 Reconstitution et valorisation des massifs forestiers et des terres à vocation
forestière
Ce programme visera la reconstitution et la restauration des forêts dégradées
de l'atlas saharien. L'extension du patrimoine sera essentiellement limitée aux
zones de montagnes arrosées des chaînes des Ksours, du Djebel Amous des massifs
dénudés des Ouled Nail, des Aurés Nememcha, des monts de Tebessa et des monts
du Hodna.
143
Cette orientation permettra d'une part de boiser le rempart naturel contre
l'avancée du désert qu'est l'atlas saharien, et d'autre part d'éviter tout empiétement
sur la nappe alfatière et les terres de parcours, en même temps que seraient
garanties les conditions de succès et surtout de sauvegarde des plantations.
Par ailleurs, ces reboisements doivent se concevoir dans le cadre d'un
aménagement régional, où ils ne constitueront (avec leurs objectifs propres) qu'un
élément de l'ensemble du plan de développement adopté. C'est dans cet esprit
que les programmes de reboisement qui seront effectués durant ce plan seront
issus des zones ayant fait l'objet d'études d'aménagement.
Les travaux de reconstitution et de valorisation des massifs forestiers
et des terres à vocation forestières sont confinés à toutes les zones où la
pluviométrie est supérieure à 300mm.
3.2.2 Aménagement sylvo-pastoral
Le cadre d'intervention est ici constitué par les zones de parcours situées sous
une pluviométrie supérieure à 300mm.
Cette zone couvrant 4 millions d'hectares comprend les meilleurs parcours,
qui se trouvent actuellement fortement dégradés, malgré leur situation privilégiée.
Cet état de fait est dû à de nombreuses causes, dont notamment:
- un manque de protection contre les effets des vents;
- l'exploitation des parcours à un seul niveau (herbacé) durant l'année entière.
Le remède à cette situation consiste à soumettre la zone à un aménagement à
dominante sylvo-pastorale, dans lequel il sera préconisé les actions suivantes:
- régénération et amélioration des parcours naturels;
- création de "prairies aériennes", par l'introduction d'arbres et arbustes fourragers;
- mise en place de rideaux brise-vent.
Les prairies suspendues seront installées en bosquets judicieusement répartis dans
l'espace, afin de répondre au mieux à la nécessité de limiter les déplacements
des troupeaux, et de disposer d'abris naturels contre les intempéries. Les brisevent
seront implantés de manière à offrir une protection optimale contre les vents.
3.2.3 Protection des parcours dégradés (pluviométrie située entre 200 et 300mm)
Cette zone de parcours très dégradée, représente environ 6 millions d'ha.
L'installation de brise-vent de protection y est indispensable; leur implantation
se fera en fonction des conditions du milieu. C'est ainsi que les brise-vent seront
élaborés en bandes, en lignes ou en bosquets selon les cas.
3.2.4 Aménagement des parcours présahariens
Les parcours situés entre les isohyètes 100 et 200mm couvrent une superficie
supérieure à 8 millions d'ha et ont atteint un seuil de dégradation très avancé,
voire parfois irréversible. Il est nécessaire de dégager un programme d'aménagement
visant surtout à la protection de la végétation naturelle et son amélioration par
des techniques de mise en repos assistée (introduction d'espèces pastorales
adaptées).
144
3.2.5 La gestion et l'exploitation des ressources en eau
Afin d'atténuer les effets de la sécheresse et d'assurer des niveaux de productivité
stables, il est nécessaire de procéder à la mobilisation et à la gestion rationnelle
des potentialités en eau de surface et souterraines.
En matière d'hydraulique, la Charte nationale rappelle que les ressources
en eau superficielles et souterraines constituent l'une des principales irchesses
sur lesquelles reposent la prospérité du pays dans l'avenir, ainsi que la réussite
de son développement économique et social. Aussi, le règlement du problème
de l'eau à travers le territoire est-il l'une des conditions fondamentales pour assurer
la progression continue du développement.
Ainsi, a-t-il été décidé et mis en oeuvre un programme important de
mobilisation et de mise en valeur des ressources hydrauliques du sous-sol, tout
particulièrement dans les régions sahariennes.
D'autre part, ce programme comprend l'intensification de la petite
hydraulique afin de maximiser la récupération et l'utilisation des eaux de
ruissellement et des nappes aquifères. L'essentiel est de pouvoir mobiliser
simultanément les ressources hydrauliques souterraines et superficielles pour
être à l'abri des aléas climatiques.
Pour ce faire, il est envisagé un certain nombre d'actions concrètes:
- inventaire exhaustif des ressources en eau mobilisables (souterraines et
superficielles);
- établissement de schémas de gestion et d'exploitation des eaux pour les principaux
systèmes hydrographiques;
- étude d'inventaire des sites pour la mobilisation des eaux de surface;
- recherche sur les techniques de stockage des eaux, et sur la lutte contre les
pertes par evaporation (recharge des nappes);
- mise au point de modèles et plans de gestion et d'exploitation des nappes
superficielles et profondes;
- promotion de l'agriculture de ruissellement;
- aménagements anti-érosifs des bassins versants;
- l'octroi d'aides aux paysans dans leur lutte contre la sécheresse à travers la
fourniture de petit matériel hydro-agricole et l'entretien des infrastructures
existantes.
CONCLUSION
La période écoulée nous apermis de confirmer les possibilités de mise en valeur,
de tester les méthodes d'intervention et de mettre en place une infrastructure
de réalisation ainsi que les bases juridiques et institutionnelles nécessaires.
Une expérience importante a été accumulée principalement dans les actions
de reboisement, de fixation des dunes et dès améliorations pastorales.
L'analyse des contraintes relevées à l'issue de cette première réalisation
doivent permettre une amélioration de la qualité des travaux et l'élaboration de
véritables programmes de développement intégré de l'ensemble de la zone.
Les fonctions d'étude et de recherche sont à renforcer et doivent constituer
l'élément moteur de développement.
La désertification étant un fléau qui affecte à des degrés divers la plupart
de nos pays, la responsabilité du contrôle et de la lutte contre la dégradation du
milieu naturel incombe évidemment à chacun d'entre nous; cependant, malgré
les efforts nombreux et soutenus de la part des pays, le processus de désertification
n'a pu être combattu efficacement d'une manière générale.
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Il apparaît dès lors nécessaire, aujourd'hui plus que jamais de développer
une coopération technique indispensable à l'échelle régionale autour d'objectifs
concrets qui tiennent compte à la fois des contraintes et des possibilités de chacun.
D'ores et déjà, il convient de souligner que la désertification qui affecte
nos régions est due à un facteur commun qui est celui de la pratique des parcours
extensifs liée à une économie traditionnelle de subsistance.
Dans un tel contexte, il y a lieu donc et avant tout de coordonner nos
actions autour d'objectifs bien exprimés et sur la base d'une planification rigoureuse
qui tiennent compte de nos possibilités. Ainsi, les pays concernés doivent-ils se
mobiliser davantage, unifier leurs actions pour mieux orienter leurs efforts.
Ainsi, cette opération pourrait-elle intéresser plusieurs aspects de la lutte
contre la désertification; nous pourrons citer notamment:
- l'étude du processus de désertification et les facteurs qui l'accentuent;
- la recherche des techniques de lutte adaptée dans différentes situations non
seulement écologiques mais aussi socio-économiques;
- la connaissance et l'amélioration des espèces végétales pour des usages variés
(protection, production de fourrages, de bois, etc.);
- la maîtrise des eaux de ruissellement et leur utilisation à des fins de production;
- la mobilisation des ressources en eaux souterraines;
- le développement de l'hydraulique pastorale;
- l'aménagement des parcours;
- la conduite des troupeaux répondant à des normes modernes d'élevage.
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